Premières lignes # 93 – Qui a tué Rose ?, de Claire Allan

Hello tout le monde,

Aujourd’hui, c’est dimanche, le jour de notre rendez-vous hebdomadaire « Premières lignes », qui a été initié par Ma Lecturothèque. J’ai choisi de vous présenter l’incipit d’un thriller sorti et lu en avril. Il s’agit de « Qui a tué Rose ? » de Claire Allan.

Ç’aurait dû être moi. C’est moi qui aurais dû être projetée en l’air par l’impact de la voiture. « Comme une poupée de chiffon » , avait-on pu lire dans les journaux.

J’avais tout vu. Or elle n’avait rien d’une poupée de chiffon. Une poupée de chiffon, c’est doux, malléable. Et l’impact n’avait rien eu de doux. Rien n’était venu l’amortir. Il n’y avait pas eu de course gracieuse dans les airs. Pas la moindre douceur.

Quelqu’un a crié « Attention ! » , puis on a entendu le craquement du métal contre la chair, contre les muscles, contre les os, suivi par le crissement des pneus sur l’asphalte et par les hurlements des badauds – les mots, décousus, s’entrechoquaient. Mon cœur cognait dans ma poitrine. Les pleurs d’un bébé. Au moins le bébé pleurait-il. Au moins le bébé était-il sauf. Le vrombissement du moteur en surrégime, tandis que la voiture s’éloignait à vive allure. Le bruit de pas se précipitant sur la chaussée. Quand ils arrivaient au niveau de la scène, les véhicules pilaient dans un crissement de freins.

Mais c’est surtout le silence – au milieu de tout ce bruit – qui était le plus choquant. Pas un cri. Pas un sanglot. Pas même un dernier souffle. Juste ce silence immobile. Et j’aurais pu jurer qu’elle me regardait. Me fixait d’un œil accusateur. Plein de reproches.

Je ne parvenais pas à détourner le regard. Je suis restée plantée là tandis qu’autour de moi les gens affluaient pour lui venir en aide, ne comprenant pas, ou refusant de l’admettre, qu’ils ne pouvaient plus rien pour elle. On a pris le bébé pour le réconforter. Appelé une ambulance. Scruté dans la direction qu’avait prise la voiture en fuyant. Etait-elle noire ? Bleu marine ? Ou bien gris foncé ? Sale, en tout cas. Vitres teintées. Immatriculée, peut-être, en République d’Irlande. Difficile à dire, tant les lettres et numéros étaient masqués par la boue. Aucune photo du véhicule n’avait été prise – mais un type était en train de filmer cette femme qui se vidait de son sang sur la chaussée. Il essaierait de vendre sa vidéo aux journaux, à moins qu’il ne la publie sur Facebook. Car elle ne manquerait pas d’attirer les « likes » . Une fillette, huit ans environ, hurlait. Ses cris perçants couvraient tout le reste. Sa mère l’a prise dans ses bras pour l’empêcher de regarder la scène. Mais c’était trop tard. Le mal était fait. Tout autour on s’activait pour faire le nécessaire. Quant à moi, je restais plantée là – à soutenir son regard.

Car ç’aurait dû être moi. C’est moi qui aurais dû être étendue sur la chaussée, l’asphalte se teintant de rouge écarlate tout autour de moi.

…

Et vous, avez-vous lu ce thriller ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ? Si non, vous tente-t-il ?

Bon dimanche soir à vous, et à très vite !